Lors du Forum de l’Investissement tenu le 30 octobre 2025 à Erfoud en marge de la 14ème édition du Salon International des Dattes au Maroc (SIDATTES 2025), les débats ont mis en lumière une conviction partagée : la durabilité des oasis ne peut être assurée sans un investissement responsable, adossé à une stratégie solide et moderne de commercialisation.
L’ouverture du Forum de l’Investissement, organisée par l’Agence pour le Développement Agricole (ADA), en partenariat avec le Groupe Crédit Agricole du Maroc (GCAM), l’Agence Nationale de Développement des Zones Oasiennes et de l’Arganier (ANDZOA) et le Commissariat du Salon (ASIDMA), a permis de rappeler l’importance d’une approche globale pour bâtir la durabilité des zones oasiennes.
Comme l’a souligné M. El Mahdi Arrifi, Directeur général de l’ADA, « l’investissement dans les oasis ne peut plus reposer sur des approches traditionnelles, mais sur une vision intégrée et responsable, alliant durabilité économique, inclusion sociale et préservation des ressources naturelles ».
Cette vision repose sur trois axes fondamentaux :
- La gestion intégrée et durable des ressources en eau, devenue une priorité face à la raréfaction croissante de cette ressource vitale ;
- Le renforcement des capacités techniques et managériales des agriculteurs, des jeunes et des femmes rurales, afin de favoriser des systèmes de production innovants et résilients ;
- Le développement du partenariat public-privé, condition essentielle pour attirer des investissements responsables et générateurs de valeur.
Dans cette dynamique, le Fonds de Développement Agricole joue un rôle déterminant en soutenant les projets de modernisation de l’irrigation, de valorisation des produits agricoles et d’intégration des énergies renouvelables dans les systèmes de production.
M. Arrifi a également insisté sur la place centrale de la recherche scientifique : « l’innovation, qu’il s’agisse d’améliorer les variétés de dattiers ou d’optimiser les techniques d’irrigation, est au cœur de la durabilité du modèle oasien ».
Oasis : un modèle d’investissement responsable en marche
La filière phoenicicole est désormais au cœur d’une vision nationale qui articule souveraineté agricole, justice territoriale et transition durable, en cohérence avec les orientations royales appelant à accorder une priorité aux zones oasiennes les plus fragiles. Couvrant plus de 69 000 hectares, dont 80 % concentrés dans la région Drâa-Tafilalet, 13 % à Souss-Massa, 4 % dans l’Oriental et 3 % à Guelmim-Oued Noun, le palmier dattier constitue un levier économique essentiel pour les populations rurales, en particulier les femmes et les jeunes.
« Le développement des oasis ne peut plus être pensé comme un simple enjeu agricole, mais comme un pilier de cohésion sociale et d’équilibre territorial », affirme Saïda Ouarzane, Directrice de l’Agrégation et du Partenariat à l’ADA.

La stratégie « Génération Green 2020-2030 » fixe désormais un objectif de 300 000 tonnes de production, dont 50 % conditionnées, soutenu par un effort financier structurant : 180 millions de dirhams mobilisés par le Fonds de Développement Agricole pour l’irrigation, la valorisation et l’énergie solaire, et 566 millions de dirhams dédiés à 51 projets d’agriculture solidaire au profit de 32 000 bénéficiaires. Cette dynamique s’accompagne de la montée en professionnalisation des acteurs, avec 21 groupements réunissant 146 coopératives, dont certaines déjà référencées en grande distribution et sur la plateforme TerroirduMaroc.gov.ma.
« Chaque dirham investi dans la filière doit produire un triple impact : économique pour les producteurs, social pour les familles rurales, et écologique pour l’avenir des oasis », insiste-t-elle.
Au-delà de la performance productive, la filière devient un espace d’innovation et d’expérimentation territoriale, où se croisent transition climatique, numérique et énergétique. « Nous ne sommes pas seulement en train de soutenir une culture, mais de construire un modèle de développement qui place la femme rurale, le jeune agriculteur et la recherche scientifique au centre du progrès », souligne encore Mme Saïda Ouarzane, rappelant que la valeur de la filière se mesure autant en tonnes produites qu’en trajectoires humaines sécurisées.
« L’investissement responsable dans les oasis doit garantir à la fois la création de valeur économique, l’inclusion sociale et la préservation des équilibres écologiques. Nous n’investissons pas uniquement dans des palmiers, mais dans l’avenir des territoires et des familles qui y vivent », conclut-elle.
Oasis et investissement responsable : regards croisés entre institution publique et acteurs privés
Lors du forum de l’investissement organisé à Erfoud par l’Agence de Développement Agricole (ADA), deux visions complémentaires se sont exprimées autour d’un même enjeu : comment renforcer la durabilité agricole des oasis face à la pression climatique, hydrique et économique ?
D’un côté, un responsable public chargé de déployer des programmes structurants ; de l’autre, un investisseur privé ancré sur le terrain, confronté aux contraintes opérationnelles et à la réalité des exploitants.
Pour Abdelaziz Mbirik, directeur de l’Office provincial de l’investissement agricole, le projet d’intensification durable des systèmes de production dans le bassin d’Al-Maïdher (province de Zagora) représente un modèle de la nouvelle génération agricole voulue par la stratégie Génération Green. Il rappelle que la zone concernée regroupe cinq communes longtemps fragilisées par la baisse des précipitations, l’absence d’infrastructures hydrauliques et la surexploitation des nappes phréatiques.
Ce projet, lancé en 2023 dans le cadre de l’agriculture solidaire, vise à « renforcer la résilience des oasis locales, en leur offrant des solutions durables face aux aléas climatiques ». Il s’inscrit dans une logique d’appui public structuré, fondée sur les nouvelles orientations nationales : adaptation climatique, irrigation efficiente, sécurisation de l’eau, production durable et amélioration des revenus ruraux.
M. Mbirik précise que ce projet n’est qu’un premier jalon, annonçant « d’autres initiatives similaires destinées à revitaliser les oasis et à rétablir l’équilibre économique et écologique des territoires les plus vulnérables du sud du Maroc ».
Si l’intervention publique met l’accent sur la structuration des projets et l’accompagnement des zones vulnérables, la prise de parole des investisseurs introduit une autre dimension, plus pragmatique : celle de la pérennité hydrique comme condition préalable à tout investissement durable.

Pour Mohamed Rachid Hamidi, président de l’Association des investisseurs dans la production de dattiers « M’seki Boudenib », la dimension économique de l’investissement responsable ne peut être dissociée de la sécurité hydrique. S’il reconnaît que « plusieurs projets portant sur des milliers d’hectares profitent au final à l’oasis et à ses habitants », il alerte sur une équation centrale : aucun projet agricole ne peut être durable si la ressource en eau n’est pas garantie.
L’association a ainsi proposé un modèle inspiré d’un projet d’ampleur nationale : l’interconnexion des bassins hydriques. Selon M. Hamidi, la solution consiste à relier les futurs barrages de la région, dont le gigantesque barrage Grou (1,069 milliard de m³) et celui de Kaddoussa, afin de « garantir la durabilité des projets agricoles et la sécurité hydrique de la région ».
Il rappelle que cette demande est conforme aux priorités nationales, explicitement évoquées par SM Le Roi dans son discours d’ouverture du Parlement : préserver les oasis, protéger leurs habitants et éviter la dégradation environnementale.
« En tant qu’investisseurs implantés dans cette région, il est donc de notre responsabilité morale et concrète de veiller à la préservation de l’oasis et de ses ressources en eau », conclut-il, appelant à des partenariats public-privé appliqués, concrets et sécurisés.
De l’investissement responsable à la commercialisation durable
Mais au-delà de la production, la commercialisation s’impose désormais comme le véritable prolongement de l’investissement responsable.
Comme l’a affirmé Mme Mahjouba Chkail, Directrice du Développement de la Commercialisation des Produits du Terroir à l’ADA, « produire ne suffit plus : il faut valoriser, positionner et vendre et fidéliser les marchés car sans débouchés structurés, il ne peut y avoir de développement durable ».

En d’autres termes, investir de manière responsable, c’est aussi garantir aux producteurs l’accès à des marchés équitables et performants.
C’est dans ce sens que la Direction du Développement de la Commercialisation des Produits du Terroir de l’ADA joue un rôle clé dans la structuration des filières et la professionnalisation des acteurs.
Une approche intégrée pour accompagner les coopératives locales.
La Direction du Développement de la Commercialisation des Produits du Terroir déploie des programmes d’accompagnement complets sur 12 à 16 mois, destinés à renforcer les capacités techniques, managériales et commerciales des bénéficiaires.
L’objectif : professionnaliser la production, structurer les marques territoriales et renforcer la présence des produits du terroir sur les marchés nationaux et internationaux.
« Nous accompagnons les coopératives dans toutes les étapes, depuis la conception du produit jusqu’à la mise sur le marché. Cet encadrement permet de créer de la valeur ajoutée locale tout en renforçant leur autonomie et leur compétitivité », a souligné Mme Chkail, insistant sur l’impact humain et économique de cette démarche.
Une transformation digitale au service de l’investissement
Pour donner un nouvel élan à la commercialisation, l’ADA a lancé un vaste chantier de digitalisation.
Un projet de plateforme nationale de commerce en ligne dédiée aux produits du terroir est en cours de finalisation.
Cette initiative vise à transformer le site “Terroir du Maroc” en une véritable place de marché interactive, offrant aux coopératives la possibilité d’exposer leurs produits, de gérer les commandes et d’assurer la livraison dans des délais courts.
Cette plateforme permettra d’accroître la visibilité des produits marocains, de garantir leur traçabilité et d’assurer un accès direct au consommateur, aussi bien sur le marché national qu’international.
« Ce projet, qui verra le jour avant la fin de l’année, vise à rapprocher les produits du terroir du consommateur marocain et international tout en modernisant les circuits de distribution et en favorisant l’inclusion digitale des coopératives rurales », a indiqué Mme Chkail.
La commercialisation, un investissement à long terme
Au-delà de la vente, la commercialisation s’affirme comme un investissement durable dans la valeur ajoutée locale.
Chaque dirham consacré à la promotion, à la logistique ou à la mise sur le marché contribue à :
- Accroître la rentabilité des filières agricoles,
- Créer des emplois pour les jeunes et les femmes dans les zones oasiennes,
- Stabiliser les populations rurales,
- Et préserver le patrimoine écologique et culturel des oasis.
Ainsi, la commercialisation n’est pas une étape finale du processus de production, mais bien une composante structurante du modèle d’investissement responsable prôné par l’ADA.
Une stratégie en phase avec “Génération Green 2020-2030”
L’ensemble de ces initiatives s’inscrit pleinement dans les orientations de la stratégie “Génération Green 2020-2030”, qui promeut un modèle agricole responsable, inclusif et résilient.
En reliant la production à la commercialisation, l’investissement à la durabilité et la technologie à l’équité sociale, le Maroc confirme sa volonté de faire de la filière phoenicicole un vecteur de développement intégré et durable des territoires oasiens.
Comme l’a résumé M. El Mahdi Arrifi, « l’avenir des oasis passe par un modèle d’investissement structuré où chaque dirham consacré à la valorisation et à la commercialisation renforce la résilience, la création d’emplois et la durabilité ».

Le Crédit Agricole du Maroc, acteur financier et social des oasis
Le Crédit Agricole du Maroc se présente comme un partenaire stratégique de la filière phoenicicole, en finançant aussi bien la production que la transformation des dattes dans les zones oasiennes. La banque rappelle qu’elle ne se limite pas uniquement à un rôle de financement, mais qu’elle opère aussi comme acteur de développement territorial.
« Nous ne finançons pas uniquement des projets agricoles, nous accompagnons des agriculteurs, des familles et des territoires qui dépendent directement de la résilience de l’oasis », souligne la représentante du groupe.
Son dispositif repose sur une offre de financement couvrant l’entretien des palmiers-dattiers, la mise à niveau des unités de conditionnement, le stockage frigorifique, l’emballage, ainsi que la modernisation de l’irrigation et de la mécanisation agricole, avec possibilité d’avance sur subvention pour accélérer les investissements.
Au total, six agences locales assurent le suivi des projets dans une région marquée par la sécheresse et la pression sur les ressources hydriques. La banque affirme accompagner aussi bien les petites exploitations que les coopératives et les investisseurs structurés, dans une logique de proximité.
L’appui intègre désormais un volet climatique avec le financement de systèmes d’irrigation économes, de pompage solaire, d’équipements de fertilisation de nouvelle génération, ainsi que d’initiatives de valorisation des déchets agricoles. « La compétitivité des oasis passera par la réduction des coûts, la maîtrise de l’eau et l’intégration des énergies renouvelables », précise-t-elle.
En soutenant la production, la transformation, l’efficacité énergétique et l’inclusion financière, le Crédit Agricole entend participer à la modernisation durable de la filière datte, tout en contribuant au maintien de l’emploi rural et à la stabilisation des zones oasiennes.
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